Et vlan, je vais en remettre une couche. Je vais parler de ma « non croyance »
aux hommes politiques qui se prennent pour les sauveurs de l’Humanité. Excusez-moi, messieurs les politiques, soit vous fermez les yeux et ignorez cet article, soit vous en prenez de la
graine !
On a tant entendu de grands mots ronflants, dans leurs bouches, surtout avant les échéances électorales : ils nous parlaient de « reconversion »,
d’« économie des loisirs », de « volontarisme », de « Communauté des Communes », de « valorisation », de « réaménagements »… Les élus y
croient-ils vraiment, ou font-ils semblant d’y croire ? Ah, ce n’est pas facile, c’est vrai, dans notre région. Ils nous parlaient aussi de « Soutiens de l’économie locale et des
créations d’entreprises », des « luttes pour sauver les gendarmeries, les écoles, les perceptions, la poste », de « protéger l’environnement », de « promouvoir
l’accueil touristique »… Que de belles paroles ! Blablablah…
Ben oui, blablablah... Bougez-vous un
peu, agissez enfin, parce que ça fait bien longtemps maintenant que vous vous réunissez, que vous créez des « commissions », émettez des
« rapports », analysez les « effets » et les « causes », mais les papiers s’entassent dans des dossiers bien lourds ! Et là, je ne dis pas n’importe quoi, j’ai
retrouvé mes archives et vais citer mes sources !
Si nous parlions impôts, taxes, charges diverses ? « Ne pourrait-on pas envisager des
allègements de taxes aux commerçants locaux qui restent et maintiennent le tissu social ? », avais-je lu dans le Midi Libre le 14 janvier…1994. On attend toujours… Où en est
« l’adoption d’un régime fiscal préférentiel pour les entreprises en milieu rural » ? (le Midi Libre, 22 novembre
1993).
Pour « faire local », écoutons René Gayraud, qui était souvent pessimiste dans son livre auto-produit intitulé « Dans le
Haut-Languedoc » lorsqu’il écrivait :
« Ici, au
village, comment voir grand quand, avec le système actuel, les plus riches drainent sans cesse le profit vers leurs coffres, alors que les moyens et les petits se débattent au milieu des pires
difficultés. Il en est pour les communes de même que pour les individus ; normalement, les communes et les villes riches qui se sont engraissées de notre substance humaine devraient venir en
aide aux villages qui se dépeuplent. Il n’en est rien et ce serait une grande œuvre que d’attirer sur ce sujet l’attention des plus hautes instances nationales ; pour un maire dynamique, un
conseiller général battant, ce serait une tâche exaltante et passionnante. Au contraire, on assiste à une rapacité des grandes collectivités qui font une part de plus en plus réduite aux
bourgades pauvres (…) Cela ne peut qu’accélérer cette désertification des campagnes dont on parle tant. »
Il écrivait ceci en... 1977 !
Olargues, Mons la Trivalle, Le Caroux, l’Espinouse, Saint-Gervais… Sites magnifiques, encore préservés, on ne sait pour combien de temps encore. Mais quel avenir pour toute cette région ? De
deux choses l’une : ou bien, à force d’espérances, de luttes, aura enfin lieu ce « désenclavement » attendu depuis longtemps ; alors les gens découvriront enfin autre chose et
viendront visiter ou revisiter les lieux (il faudra alors faire face à une nouvelle menace, celle de l’affluence, du béton, du tourisme, de la pollution…) Soit nous descendrons
inexorablement la pente vers la totale désertification, avec des populations de plus en plus âgées, des commerces de moins en moins florissants, des jeunes qui s’en iront à la ville, des routes
de plus en plus endommagées, avec le seul luxe que nous pourrons nous offrir : la tranquillité ! Est-ce être pessimiste que d’exposer ces problèmes ?
René Gayraud écrivait encore : « St-Gervais est un village où,
malheureusement, la littérature sur les métiers disparus pourrait emplir plusieurs livres. » St-Gervais vivait de la châtaigne, de l’élevage ovin, prospérait grâce à ses cloutiers, ses
cercliers, son commerce… Mineurs, cloutiers, cercliers font aujourd’hui partie du passé, disparus depuis le début du vingtième siècle ; c’est, depuis, la spirale infernale de la
désertification. Jusqu’à quand… Un habitant me disait récemment : « De toute façon, on ne peut pas descendre plus bas… »
Espérons-le ! Après avoir exposé ces préoccupations, après les avoir vécues, on ne peut raisonnablement pas s’insurger contre ces « idées reçues » quand certains n’hésitent pas à
nous parler des « hauts-cantons » ou d’arrière pays ». En 1973 déjà, on lisait dans un beau livre intitulé Découverte des hauts
cantons, qu’il fallait cesser de parler d’ « une région qui doit cesser d’être l’arrière pays clos, (…) l’arrière pays dédaigné d’une
façade prestigieuse. » Car il y a bien un arrière pays, parce qu’il y a un avant pays, celui des voies de communication, celui des
industries, des entreprises, des lycées, des hôpitaux, … Quand on sait cela, il ne nous reste plus qu’à faire un choix ! La ville ou la campagne ; le stress ou la tranquillité ;
les avantages ou les inconvénients (où se situent les avantages et les inconvénients ?) ; un peu comme on choisit, au restaurant, entre le fromage et le dessert…
Je suis blasé, peut-être. Je n’y
crois plus. Y ai-je seulement cru un jour ! Je crois plus aux populations qu’aux décideurs, en fait. Aux populations qui se sont mobilisées pour le maintien du collège de Saint-Gervais ou de
l’école de Graissessac, par exemple. Pour le reste, je dis : n’espérez rien – ou pas grand chose- des touristes tels que nous les avons connus (ou alors, un tourisme de qualité au profit de
la quantité, qui ne laisseront pas dans vos bois des tonnes de détritus et apporteront à l’économie locale autre chose que l’argent d’une carte postale…) Faire venir des touristes uniquement pour
« faire venir du monde » ? Hmm. Encourager des néo-ruraux uniquement pour inverser la courbe démographique ? Parlons-en, de ces néo-ruraux, vous savez, ceux qui rêvent puis
qui déchantent, qui croient que ça va être facile ! Seulement voilà, quand il fait beau et qu’on découvre la région, on a plein d’idées, et puis... Il y a la mauvaise saison à passer, et les
problèmes qui surviennent. Pourtant l’enjeu est de taille pour nos petits villages. Faire venir de nouveaux habitants, d’accord, mais : mèfi ! Ils vont arriver, ces nouveaux habitants,
c’est sûr, mais ils vont certainement se plaindre du manque d’activités, de commerces, de services… Respecteront-ils seulement les habitudes des autochtones, l’histoire, les traditions ? Ne
viendront-ils pas reporter ici les problèmes, les nuisances qu’ils vivaient ailleurs ? Et c’est peut-être pour cela, au fond, que les « vieux », dans nos villages, (qui voient
peut-être juste !) ne veulent pas bouger le petit doigt pour que ça change ! Et qui disent, le soir sur la place : « Té, cuilà, c’est un estranger du dehors, il vient de
Lyon, je crois, ou de Paris, ou de Lodève... » Du nord, quoi...
Un sondage d’opinion réalisé en 1992 a fait ressortir que 70%
des français vont à la montagne. Ils apprécient « le caractère naturel non pollué, préservé (pureté de l’air, fleurs, forêts, beauté des paysages,
grands espaces, animaux, eau, neige…) ainsi que la marche, les randonnées, les sports, la détente dans la sérénité et le dépaysement »… Les français aiment la montagne… pour les
vacances, mais le même sondage précise qu’ils ne voudraient pas y vivre en permanence ! Trop de difficultés ! Collèges trop loin, routes trop sinueuses, pas de salle de sports pour le
petit ! Ils n’ont pas compris (mais leur a-t-on expliqué ?) qu’il n’y a pas plus de tarés dans les montagnes qu’à la ville (on se souvient de « l’environnement culturel déficient » à Saint-Gervais, le mot de trop lâché par un recteur d’académie, la goutte d’eau qui fit déborder le vase il y
a de cela plus de quinze ans). Les routes ? C’est vrai. On a tellement perdu l’habitude ! Mais un autre bon point et une autre note d’espoir : on compte moins de morts par
accidents sur ces routes sinueuses que sur les lignes droites de Montpellier, Mèze, Sète ou Béziers… La salle de sport ? Ils n’ont pas compris non plus qu’on n’avait pas besoin de salle de
sport : on peut jouer au ballon n’importe où, courir sur les chemins, aller à vélo sur les routes sans courir le risque de se faire tuer à
chaque instant… (Bon, pour la salle de sport, Ok, c’est une belle initiative, je retire ce que j’ai dit si je ne veux pas perde mes quelques amis).
On aime donc la montagne mais on ne veut pas y vivre. On a peur d’y vivre. « Et s’il m’arrive quelque chose, le temps que j’arrive à
Montpellier en ambulance et je serai mort trois fois ! » ; on pourrait leur répondre qu’une seule fois suffit. « Et si le collège ferme, où il ira, mon gamin,
hein ? » ; « Et si je ne m’en sors pas financièrement, avec quoi je vivrai ? » Le déclin démographique est loin d’être stoppé. Alors on songe à accueillir des
« étrangers » (Oh, que je n’aime pas ce terme, mais bon !) Ca comble les trous ! Mèfi ! Ce ne sont pas les RMIstes ni les nécessiteux assistés de tous poils et de toutes
nationalités qui vont faire vivre artificiellement un village. Mèfi ! Il faut des familles, des gens qui s’installent, qui travaillent, qui veulent vivre et font vivre ! Il faut une
VOLONTE… et beaucoup de courage ! Lorsqu’on adhère à une association, quelle qu’elle soit, on a toujours tendance à demander ce qu’elle va nous apporter, mais jamais à se demander ce qu’on
pourrait lui apporter. C’est pareil dans la vie. Demander des aides, c’est bien, tant mieux si on en profite, mais il faut se donner les moyens et poser les bonnes questions. Peser le pour et le
contre. Prévoir le meilleur sans oublier d’envisager le pire. Et il faut savoir dire non, parfois, à un projet de camping ou d’hôtel en zone inondable ; il faut savoir dire non à un projet
de circuit tout terrain, à un héliport, garder sa conscience propre plutôt que de dire oui pour sauver trois emplois ou pour entretenir l’espoir d’en
créer dix (allusion, ici, à un projet de réindustrialisation du site minier de la COGEMA à Lodève ou du projet de golf dans le même secteur, mais il y a beaucoup d’autres
exemples).
Revenons à nos hommes politiques et
rafraîchissons-leur la mémoire. 2003 : Les journaux font de gros titres sur la
ruralité. Des maires continuent à se mobiliser, à se réunir. On parle de « projets », de « financements », de « revitalisation », d’une « volonté de politique
de services »… Blablablah, disais-je… Le même jour, on nous annonce l’intention de suppression du Trésor Public de Bédarieux. A une autre page, Olargues informe ses lecteurs de la menace qui
pèse sur la perception du village. Et à une autre page encore, pour faire bonne mesure, on nous promet la fermeture de la trésorerie d’Olonzac… A l’automne de la même année, la publication d’un
dossier nous fait apparaître notre médecin du village se plaignant d’une situation qui se dégrade : un habitat qui se disperse, une population qui vieillit et des contraintes qui font
qu’aucun nouveau médecin n’accepte de s’installer… Mais alors, pourquoi, toujours, râler ou s’indigner, puisque ceux qui ont choisi cette région devraient commencer à réaliser que rien n’est fait
pour résoudre les problèmes, et qu’il faut bien, comme on dit, « faire avec » (ou plutôt « faire sans »)…
En ce qui
me concerne, je me suis toujours débrouillé seul. Aussi je me sens en droit de râler, parfois, surtout quand je lis une lettre, distribuée à toute la population, émanant de notre ex-conseiller
général et maire d’Hérépian, qui traçait son bilan en forme de satisfecit, parlant de mesures en faveur du petit commerce, d’aides pour la rénovation de l’habitat, etc. Mais il y en aura pour tout le monde : en 2003, de son côté, le Parc Régional Naturel expédiait son journal à chacun d’entre nous, dans lequel on
continuait à trouver de grands mots ronflants : « (…) Le Parc joue un rôle permanent de fédérateur d’impulsion et de soutien pour la réalisation
du projet territorial (…) Il favorise la mise en œuvre des compétences locales (…) Il participe à la construction d’une nouvelle société (…) ». Je m’amuse toujours donc autant à lire
les coups d’éclats de nos hommes politiques qui se rendent compte (enfin ?) qu’ « il faudra être vigilant car le démantèlement du service
public annonce une récession des territoires » (Kléber Mesquida, janvier 2004.) « C’est inacceptable ! » conclue-t-il. Et
nous donc… En 2007, les élus du Département se mobilisaient… pour le maintien du site EDF-GDF menacé de disparaître de Bédarieux ; comme quoi, le chien aboie mais la caravane passe !
Voulez-vous lire encore quelques déclarations ? « … L’assemblée départementale ne peut accepter le démantèlement des services publics… Il yv a de l’avenir des territoires
héraultais… ».
René Gayraud,
encore : « Voyez-vous, à la campagne, quand nous n’avons plus rien, il nous reste encore le grand air. »
Préservons-le de toutes nos
forces !